Être bien réveillé: l’influence de la lumière du jour et de l’obscurité sur l’horloge interne
Le sommeil est l’une des plus belles choses au monde! Qui ne connaît pas ce sentiment de calme et de repos après avoir suffisamment dormi, et – a contrario – la mauvaise humeur quand ce n’est pas le cas. Le sommeil est absolument nécessaire au bon fonctionnement du corps et de l’esprit. Les troubles du sommeil, en revanche, cause toutes sortes de problèmes de santé. Si la fatigue, l’irritabilité et la difficulté à se concentrer sont des conséquences évidentes, une prise de poids, des problèmes cardiaques et du diabète sont aussi associés aux troubles du sommeil et peuvent mettre la vie en danger. En interview, le Dr. med. Dieter Kunz, médecin-chef du service de médecine du sommeil et de chronomédecine à l’hôpital St. Hedwig de Berlin, explique l’importance de l’horloge interne, ses principaux mécanismes et ce qui peut se passer lorsque le système se dérègle.
- Le rythme circadien et la chronobiologie
- La lumière du jour règle l’horloge interne
- L’obscurité, base d’un sommeil réparateur
- Un sommeil sain: se réveiller naturellement pour adopter le bon rythme
- Puis-je régler mon horloge interne?
- Ce qu’il se passe lorsque l’horloge interne est déréglée
- Des risques pour la santé en raison d’un mauvais rythme circadien
- Même l’effet des médicaments est sensible à l’horloge interne
- Conséquence de la planification des bâtiments sur l’horloge interne
Le rythme circadien et la chronobiologie
L’état de veille et le sommeil sont la principale manifestation du rythme dit circadien: chez beaucoup d’être vivants, on retrouve un rythme de (presque) 24 heures, qui donnent la cadence à des fonctions, des processus et des mécanismes dans le corps. En 2017, le Prix Nobel de médecine a été attribué à Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael W. Young. Ces chercheurs qui travaillent dans le domaine de la chronobiologie se sont demandé à quel point une horloge interne donnait la cadence chez les êtres vivants. Chez une drosophile, ils ont ainsi pu mettre en évidence les mécanismes moléculaires qui commandaient le rythme dit circadien. En Allemagne, le Dr. Dieter Kunz. est l’un des plus grands chercheurs sur le sujet de la chronobiologie. En qualité de médecin-chef du service de médecine du sommeil et de chronomédecine à l’hôpital St. Hedwig de Berlin, il explore le fonctionnement de ce rythme propre chez les êtres humains. Dans ce cadre, il étudie la manière dont cette horloge est commandée et quels sont les risques lorsqu’elle ne fonctionne pas. «Chaque cellule individuelle de notre corps possède son propre rythme de 24 heures», explique-t-il en entretien avec VELUX. «Nous sommes un immense mouvement d’horlogerie suisse.»
Le facteur essentiel de cette horloge interne est la lumière – plus exactement l’interaction adaptée lumière / obscurité. Le bon quota de lumière du jour au cours d’un cycle lumière / obscurité stable est déterminant pour un biorythme sain et notre équilibre biologique. Ce que confirme Dieter Kunz: «La lumière est le facteur d’influence le plus important sur le système de l’horloge interne.»
La lumière du jour règle l’horloge interne
La lumière du jour est un stimulant physiologique et psychologique. Elle renforce l’état de veille, éclaircit l’humeur, favorise le bien-être et améliore notre productivité et nos capacités d’apprentissage. En outre, elle est le moteur de base qu’utilise le corps humain pour réguler le rythme sommeil-éveil. On a longtemps sous-estimé à quel point la lumière agissait sur l’homme et sur le rythme circadien. Les cellules ganglionnaires de la rétine oculaire sont déterminantes dans le pilotage de notre horloge interne. Si celles-ci sont suffisamment alimentées en lumière du jour, l’horloge interne se régule. Cela se justifie par le fait que la lumière artificielle a été absente d’une grande partie de l’histoire de l’humanité et que le développement de l’organisme s’est donc surtout calqué sur la lumière et l’obscurité naturelles.
À l’intérieur, l’intensité lumineuse habituelle est d’environ 300 lux. Lorsque l’on est assis à une fenêtre, la luminosité atteint env. 3 000 lux – et même 10 000 à 100 000 lux dehors. L’intensité lumineuse extérieure est facilement à même d’équilibrer le rythme circadien du corps.
L’obscurité, base d’un sommeil réparateur
L’obscurité est le pendant du bon fonctionnement de l’horloge interne et d’un sommeil réparateur. Les interruptions du sommeil nous rendent moins productifs, nous font commettre plus d’erreurs et entraînent des conséquences négatives sur la capacité de concentration et la mémoire. «Lorsque l’on dort la nuit, c’est la pagaille générale dans notre corps», explique Dieter Kunz dans l’interview. «On ancre les expériences qu’on a faites, le cerveau opère un nouveau tri.» Pour apporter un soutien optimal au corps en vue d’un bon sommeil, il faut avant tout qu’il n’y ait pas de lumière le soir, surtout dans des combles baignés de lumière. En effet, la lumière envoie au corps le signal de rester éveillé. En général, les experts recommandent un environnement de sommeil qui soit le plus sombre possible. Prévoyez ainsi, en particulier dans votre chambre à coucher, un bon système d’obscurcissement pour fenêtre de toit.
Un sommeil sain: se réveiller naturellement pour adopter le bon rythme
À vrai dire, le réveil est lui aussi l’ennemi du rythme humain naturel: en principe, il n’est pas bon de perturber le rythme du sommeil par un réveil. C’est comme si l’on retranchait quelque chose de ce que le corps accomplit pendant le sommeil, observe le Dr. Kunz: «Si vous enlevez à quelqu’un une heure de ce temps individuel dont il a besoin la nuit, son corps n’aura manifestement pas terminé ce qu’il voulait faire. Et c’est comme lors d’une soirée, où vous rangez après coup: celui qui est réveillé par le réveil ne doit pas s’étonner si les bouteilles sont encore là et qu’on trébuche toute la journée. C’est simple, vous n’êtes pas aussi efficace pendant la journée.»
Puis-je régler mon horloge interne?
Le rythme quotidien des lève-tôt et des lève-tard repose aussi sur l’horloge interne, note le Dr. Dieter Kunz. Ainsi, les cellules des lève-tard ne sont pas réglées sur un rythme de 24 heures, mais plutôt sur rythme de 25-26 heures. La journée d’un lève-tôt, en revanche, dure plutôt 22-23 heures. D’après Kunz, ce n’est pas chose aisée de reprogrammer ces profils. Néanmoins, on peut utiliser des «vis de réglage» pour modifier certaines choses. Pour se mettre au diapason d’une journée normale de 24 heures, le décalage de l’horloge interne doit être de nouveau cadencée pratiquement tous les jours. Cela fonctionne en premier lieu avec la lumière et l’obscurité («horloges»). Sans ces horloges, ces personnes seraient confuses.
Ce qu’il se passe lorsque l’horloge interne est déréglée
L’introduction de la lumière électrique au 19e siècle et la restructuration des temps de travail qui en a découlé, avec des journées «économiques» plus longues, nous ont de plus en plus déconnectés du cycle clarté/obscurité de 24 heures du soleil. D’où une perturbation de notre propre horloge, qui dit au corps quand il est temps d’aller au lit et de se lever. Ce phénomène s’observe typiquement dans le cadre d’un «jet lag»: l’horloge interne se dérègle car des parties du corps se sont adaptées à des vitesses différentes à la nouvelle heure. C’est la raison pour laquelle nous nous sentons si bizarres à cette occasion.
Des risques pour la santé en raison d’un mauvais rythme circadien
On observe des risques pour la santé avant tout dans le travail posté, qui est souvent exposé à une lumière du jour insuffisante et à un changement récurrent de rythme quotidien. La rupture régulière du rythme corporel et l’ignorance des horloges que sont la lumière du jour et l’obscurité peuvent entraîner de graves problèmes physiques. «C’est comme si quelqu’un avait jeté du sable sur le mouvement d’horlogerie suisse et qu’il se met à grincer ici et là – jusqu’au moment où le point de rupture du corps humain est atteint», souligne le Dr. Dieter Kunz. Il parle sans détours des conséquences: «Les personnes qui travaillent en équipe ont un risque accru de présenter chaque maladie qui a été étudiée jusqu’ici.»
L’exposition à la lumière à un moment incongru dans le rythme est l’un des points déterminants qui rend le travail posté si mauvais pour la santé. À un degré moins grave, les ordinateurs portables, smartphones et téléviseurs avant le coucher viennent aussi perturber ce rythme avec leur lumière artificielle souvent bleue.
Même l’effet des médicaments est sensible à l’horloge interne
Un test sanguin en cours de développement met en lumière les grandes conséquences sur l’organisme humain, décrit le Dr. Kunz. Un simple prélèvement sanguin doit révéler à quel endroit du rythme circadien la personne se trouve à ce moment précis. Cela permettra au médecin d’interpréter différemment ses autres valeurs sanguines et résultats sanguins. En effet, il existe beaucoup de paramètres dans le sang qui varient par un facteur de 10, 20 ou 30 au cours du rythme de 24 heures». Autrement dit, lorsque l’on sait où cette personne se situe à l’instant T dans son rythme, on peut beaucoup mieux évaluer ses valeurs sanguines. De plus, les récepteurs fonctionnent différemment au cours du temps, en fonction de l’heure de l’horloge interne – on peut ainsi utiliser les médicaments avec une plus grande synchronisation et efficacité. C’est particulièrement pertinent lors de la chimiothérapie par exemple, ajoute le Dr. Kunz.
Conséquence de la planification des bâtiments sur l’horloge interne
Étant donné que nous passons 90 pour cent de notre temps à l’intérieur, il importe donc tout particulièrement que l’apport en lumière du jour et en obscurité y soit suffisant. Dr. Kunz formule de sévères critiques à l’égard de la planification actuelle des bâtiments: «Je suis persuadé qu’un jour, nous rirons bien en voyant comment nous planifions les bâtiments, y compris aujourd’hui.» La planification de l’éclairage des pièces obéit souvent à des critères esthétiques. Mais si nous trouvons que quelque chose est beau ou esthétique, cela signifie souvent que ladite chose peut être saine pour notre organisme. A contrario, si nous trouvons qu’une chose est inesthétique et qu’elle ne déclenche pas de sensation de bien-être, c’est souvent un signe que cela est mauvais pour notre corps, énonce le chronobiologiste. «Si je trouve de la beauté dans une chose, c’est vraisemblablement une impression biologique.“
Le Dr. Kunz considère qu’il est crucial pour la santé en général que la conception des bâtiments tienne compte d’un apport suffisant de lumière du jour et favorise ainsi le fonctionnement du rythme circadien: «Je suis convaincu que nous pouvons largement contribuer à la santé de la population générale, si les pièces – notamment celles dans lesquelles nous passons le plus clair de notre temps – sont éclairées de telle façon que notre système circadien fonctionne de manière optimale.» Mais le Dr. Kunz reste aussi optimiste sur le fait que nous pouvons réagir: «Je ne vois pas pourquoi cela ne devrait pas être possible.»
L’entretien avec le Dr. Kunz et de nombreuses études montrent combien le bon fonctionnement de l’horloge interne est important. Le rythme circadien produit des conséquences sur notre organisme, qui ne s’expriment pas uniquement dans notre vivacité d’esprit ou notre fatigue. Une horloge interne «opérationnelle» nous protège de l’inconfort, des maladies et des risques pour la santé. Elle nous rend plus efficace et de meilleure humeur. C’est pourquoi nous devrions absolument veiller au quotidien à un apport suffisant de lumière du jour, tout comme avec l’obscurité.